Marc de La Brassinne, général de brigade de réserve !
En septembre 1976, immédiatement après ses études de droit, Marc de La Brassinne ouvrit un cabinet d’avocat à Saint-Hubert, dans les Ardennes belges. Il avait 22 ans ! Son maître de stage était l’avocat Jean-Pierre Jentges dont le cabinet était établi à Neufchâteau, chef-lieu de l’arrondissement judiciaire. Il était peu courant qu’un avocat stagiaire, surtout de première année, ait déjà un cabinet, mais Marc de La Brassinne suivait sa devise : Dans la vie, c’est comme à cheval, ce sont les petites allures qui fatiguent le plus ! Si le canton de Saint-Hubert avait compté plusieurs avocats, ils avaient tous été nommés magistrats ou atteints par la limite d’âge et donc, Marc de la Brassinne s’y retrouva seul avocat.
Les affaires étaient à ce point prospères qu’il prit une associée, l’avocate Marie-Josée Mary. C’était vraiment du jamais vu : un cabinet indépendant avec deux stagiaires. Au début de l’année 1978, un ordre de marche arriva : Marc de La Brassinne devait entamer son service militaire et il devait rejoindre l’école de l’administration militaire le 1er mars.
Un an et demi plus tard, il s’était déjà fait remarquer dans plusieurs affaires tant au pénal qu’au civil, et le président du Tribunal de commerce qui l’appréciait l’avait désigné comme curateur dans plusieurs faillites.
En outre, il terminait ses études de notariat et poursuivait un doctorat en droit pénal chez son mentor, le professeur Paul-Émile Trousse, président de la Cour de cassation.
C’est donc à la caserne de Peutie (Vilvorde, près de Bruxelles) qu’il entama son service militaire comme candidat officier de réserve.
Entre-temps, suivant les conseils du professeur Trousse, Marc de La Brassinne avait déposé sa candidature au poste de substitut stagiaire. Paul-Émile Trousse rêvait en effet que son poulain suive sa voie : la carrière universitaire cumulée avec la carrière de magistrat. En mai 1978, notre soldat candidat officier de réserve reçut les galons de sergent candidat officier de réserve. Le 20 juin 1978, un télégramme d’état arriva : Marc de La Brassinne était nommé substitut stagiaire de l’auditeur du Travail près les tribunaux d’Arlon, Neufchâteau et Marche-en-Famenne, avec entrée en fonction le 1er juillet 1978. La difficulté était de taille : notre substitut stagiaire était en réalité sergent candidat officier de réserve et il avait encore dix mois de service militaire à faire. Le ministre de la Justice, Van Elslandel, n’avait guère de solution : il devait suspendre Marc de La Brassinne comme substitut stagiaire le moins longtemps possible, c’est-à-dire de juillet à novembre. Pour cela, Marc de La Brassinne devait renoncer à devenir officier de réserve, accepter d’abord d’être ramené au niveau de simple soldat et d’ensuite, continuer son service dans une unité établie en Allemagne. En effet, à cette époque, les miliciens avaient le choix : soit ils faisaient un service militaire comme candidat officier de réserve et la durée du service était de 15 mois, soit ils le faisaient comme simple soldat et alors, la durée était ramenée à dix mois et même à huit mois s’ils acceptaient d’aller en Allemagne. Notre sergent substitut fut appelé chez le ministre pour être informé des décisions. Lors de l’audience au cabinet de la Justice, Marc de La Brassinne fit part de sa déception de devoir briser sa carrière militaire pour sauver sa carrière judiciaire.
Il faut savoir que la mère de Marc de la Brassinne était née Jacquemin, famille originaire de Sarreguemines qui avait suivi le duc François de Lorraine à Vienne lorsque celui-ci dut renoncer à son duché pour pouvoir épouser l’impératrice d’Autriche Marie-Thérèse. Ces Jacquemin furent d’ailleurs titrés barons du Saint-Empire et germanisèrent leur nom qui devint Von Schakmin au XVIIIe. Un des plus éminents représentants de cette famille fut le maréchal Henri-Louis Jacqmin dont le portrait orne l’escalier d’honneur de l’académie militaire de Vienne.
La mère de Marc de la Brassinne était la dernière descendante de cette famille de militaires et avait bercé son fils cadet dans les faits d’armes familiaux. Le discours de Marc de la Brassine émut le ministre Van Elslande qui lui fit une promesse s’il renonçait à ses grades militaires.
Marc de la Brassinne n’était plus qu’un simple soldat lorsqu’il arriva au 3e régiment de Lanciers à Düren en Allemagne, en juillet 1978. Il fut ensuite attaché à l’auditorat militaire après le conseil de guerre de Cologne, toujours comme milicien, mais le Premier substitut Van Even en fit son collaborateur et l’initia à la procédure pénale militaire et au droit de la guerre. C’est donc comme simple soldat qu’il termina son service militaire. En novembre 1978, il entamait sa carrière judiciaire et entrait à l’auditorat du Travail de Neufchâteau où il assuma rapidement les fonctions d’auditeur…
La carrière militaire de Marc de la Brassinne n’était toutefois pas finie…
Lorsqu’en 1981, Marc de la Brassinne fut nommé substitut du procureur du roi d’Arlon, Renaat Van Elslande n’avait pas oublié sa parole, et bien qu’il ne fût plus ministre de la Justice, il fit en sorte que l’officier qui avait dû renoncer à son grade pour rester magistrat put retrouver ses galons et bien plus encore. Il fit désigner Marc de la Brassinne comme substitut de l’auditeur militaire de réserve, ce qui assimila Marc de la Brassinne à un major de réserve, c’est-à-dire à un officier supérieur de réserve alors qu’il n’aurait été que lieutenant de réserve s’il avait terminé son service militaire dans les conditions normales.
Lorsque Marc de la Brassine devint premier substitut du procureur du roi, il fut désigné premier substitut de l’auditeur militaire de réserve (lieutenant-colonel) et comme il eut la chance d’être nommé substitut du procureur général très jeune, il fut désigné substitut de l’auditeur général de réserve (général de brigade). Le grade le plus élevé dans le cadre de réserve de l’armée belge fut donc attribué à Marc de la Brassinne.
Production MDLB, article de Jean-Marc Flamant (1992), Édition PostModemArt, 2011